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"PROCEDURES COLLECTIVES - Seul un agriculteur personne physique peut bénéficier d'un plan de sauvegarde ou de redressement d'une durée de 15 ans" par Nathalie MARRACHE, avocat à Périgueux

Par Me Nathalie MARRACHE, Avocat à PERIGUEUX

Le 22/02/2018

♦ Les agriculteurs manifestent à nouveau depuis quelques jours: redécoupage des zones défavorisées impactant le versement des primes européennes, accord Mercosur... les sujets de discorde ne manquent pas.

C'est l'occasion de s'arrêter sur un arrêt récent de la Cour de cassation en date du 30 novembre 2017, relatif au traitement des difficultés économiques des exploitations agricoles.

Pour la première fois, la Cour de cassation s'est prononcée sur la durée maximale du plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire susceptible de bénéficier aux agriculteurs, selon qu'ils exercent leur activité en nom individuel ou sous une forme sociétaire.

♦ Rappelons que jusqu'à la loi du 5 août 1960, les agriculteurs ne bénéficiaient pas de formes sociétaires propres et recouraient aux formes existantes, civiles ou commerciales. Aujourd'hui, il existe trois types de sociétés agricoles :

  • le groupement foncier agricole (GFA) ayant pour objet la création ou la conservation d'un ou plusieurs domaines agricoles,
  • les sociétés d'exploitation permettant la gestion et l'exploitation d'un domaine agricole (SCEA, GAEC, EARL),
  • les sociétés commerciales.

La loi du 25 janvier 1985, qui a institué une procédure de redressement judiciaire des entreprises, a prévu son application "à tout commerçant, à tout artisan et à toute personne morale de droit privé". Les agriculteurs n'étaient ainsi soumis à ces procédures que dans la mesure où ils exerçaient leurs activités sous une forme sociétaire.

La procédure de redressement judiciaire a été étendue aux agriculteurs, personnes physiques, par une loi du 30 décembre 1988.

Avec la loi du 10 juin 1994 relative à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises, le législateur a entendu mettre un terme aux excès constatés s'agissant de la durée des plans de redressement. Il a ainsi été prévu que la durée d'un plan de redressement ne pouvait excéder 10 ans, sauf "lorsque le débiteur est un agriculteur", auquel cas la durée du plan pouvait être portée à 15 ans.

Ces dispositions ont été reprises par l'actuel article L.626-12 du Code de commerce, tel qu'issu de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, dont il résulte que: "Sans préjudice de l'application des dispositions de l'article L. 626-18, la durée du plan est fixée par le tribunal. Elle ne peut excéder dix ans. Lorsque le débiteur est un agriculteur, elle ne peut excéder quinze ans".

♦ Restait donc à définir la notion d' "agriculteur" ouvrant droit au bénéfice d'un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire d'une durée de 15 ans.

L'extension de la durée du plan à 15 ans pour les agriculteurs avait été introduite afin de tenir compte du particularisme des cycles de production et des difficultés propres aux exploitations agricoles, notamment pour les sols difficiles. Il était donc raisonnablement permis de penser que le statut adopté par les agriculteurs pour exercer leur activité (individuel ou sociétaire) n'avait aucune incidence sur la durée du plan de sauvegarde ou de redressement susceptible de leur profiter.

Au demeurant, l'article L.351-8 du Code rural énonce que: "Les dispositions du livre VI du code de commerce relatives aux procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire sont applicables à l'exploitation agricole. Pour l'application de ces dispositions, est considérée comme agriculteur toute personne physique exerçant des activités agricoles [...]".

Dès lors, les juridictions du fond apportaient une réponse contrastée à la question.

Ainsi, en 1999, la Cour d'appel d'Agen avait entendu limiter à 10 ans le plan de redressement sollicité par des agriculteurs, retenant pour ce faire la forme sociétale de leur exploitation (CA Agen, 8 décembre 1999, SA Interplantes c/ Coumet).

A l'inverse, d'autres juridictions du fond ont validé le principe de plans de redressement d'une durée comprise entre 10 et 15 ans au profit d'exploitants agricoles exerçant leur activité en société. A titre d'exemple, en 2010, le Tribunal de commerce de Bordeaux a homologué un plan de redressement d'une durée de 13 ans au profit d'une société commerciale par la forme (SAS), exploitant un domaine agricole (T. com. Bordeaux, 10 mars 2010).

Par jugement en date du 17 novembre 2014, le Tribunal de grande instance de Périgueux a homologué un plan de redressement d'une durée de 14 ans au bénéfice d'un GAEC (TGI Périgueux, 17 novembre 2014, RG n°13/00048).

♦ L'arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 30 novembre 2017 met un terme à ce débat.

Dans cette affaire, une EARL sollicitait la modification de son plan de redressement afin que la durée de celui-ci, initialement fixée à 10 ans, soit finalement portée à 15 ans. L'un des créanciers de l'EARL contestait cette modification, laquelle avait d'ailleurs été refusée par la Cour d'appel d'Orléans.

Saisie du pourvoi formé par l'EARL à l'encontre de l'arrêt d'appel ayant refusé de modifier la durée de son plan de redressement, la Cour de cassation retient "qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 621-66, devenu L. 626-12, du code de commerce et L. 351-8 du code rural et de la pêche maritime que le bénéfice d'un plan d'une durée de quinze ans est réservé aux agriculteurs personnes physiques, de sorte que les personnes morales, telle une exploitation agricole à responsabilité limitée, ne peuvent se voir accorder un plan dont la durée excède dix ans ; que la cour d'appel a retenu, à bon droit, que l'EARL X..., qui a bénéficié d'un plan de redressement de dix ans depuis le 13 janvier 2006, ne pouvait obtenir la prorogation de son plan".

Cet arrêt réduit drastiquement les perspectives de redressement des agriculteurs ayant opté pour un statut sociétaire. Il importe donc que ces derniers bénéficient d'un accompagnement avisé lors de l'élaboration et de la mise en œuvre des plans visant à apurer leur passif.

(Cass. Com. 30-11-2017, n°16-21.032, EARL La Noé père et fils c/ CRCAM Centre Loire)